đŸ‘©â€đŸŽ“ La recherche universitaire face au risque de fake news #48

Cécile Massin
Cécile Massin

Salut les Rembobineur·euses,

On dĂ©marre cette annĂ©e avec une bonne nouvelle ! Avec Tim et Simon, on a rĂ©cemment appris qu'on Ă©tait laurĂ©at de la bourse Émergence. Je vous explique tout juste ici, mais pour vous la faire courte, cette bourse du ministĂšre de la Culture va nous permettre de nous dĂ©velopper (mon petit doigt me dit qu'il pourrait bien ĂȘtre question, entre autres, de la crĂ©ation d'un jeu tout public autour de la fabrique de l'info...).

Bref, on est content·es et surtout, on est dĂ©terminé·es Ă  faire grandir Rembobine afin de faire de l'impact du journalisme sur la sociĂ©tĂ© un sujet d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. Et pour ça, on est plus que friand·es de vos retours : qu'est-ce qui vous plaĂźt le plus dans la newsletter ? Ă  l'inverse, qu'est-ce qui vous manque ? est-ce que vous auriez envie de voir de nouveaux contenus (vidĂ©o, dessin, que sais-je encore) ? est-ce que vous seriez intĂ©ressé·es pour crĂ©er un "club" Rembobine et Ă©changer autour de l'impact du journalisme ? Bref, les possibles sont ouverts, n'hĂ©sitez pas Ă  nous faire vos retours par mail !

Sur ce, je vous laisse dĂ©couvrir l'enquĂȘte qu'on a choisie pour inaugurer l'annĂ©e. Une enquĂȘte signĂ©e Pauline Fricot pour Alternatives Économiques, qui dĂ©voile comment les fake news font leur nid jusque dans le milieu de la recherche universitaire.

Bonne lecture et Ă  dans deux semaines dans vos boĂźtes mails !
Cécile

Pour celles et ceux qui n'ont pas le temps, on vous a rĂ©sumĂ© l'enquĂȘte et son impact en 1 minute. Aux autres, on vous souhaite une bonne lecture ! Vous dĂ©couvrirez plus bas les impacts de l'enquĂȘte en dĂ©tail, une interview de Pauline Fricot et nos recommandations pour continuer Ă  creuser le sujet.

⏳ Comprendre l'enquĂȘte en 30 secondes
→ Dans le milieu de la recherche universitaire, publier dans des revues prestigieuses est un impĂ©ratif pour les chercheurs et universitĂ©s. Un besoin loin d'Ă©chapper aux Ă©diteurs de revues scientifiques, qui en profitent parfois pour s'enrichir au dĂ©triment des chercheurs et universitĂ©s.
→ Dans ce contexte, des revues scientifiques frauduleuses voient Ă©galement le jour. En apparence rigoureuses, ces derniĂšres bafouent en rĂ©alitĂ© les rĂšgles de la dĂ©ontologie et participent ainsi Ă  la diffusion de fake news.

đŸ’„ Et son impact en encore moins de temps !
→ Si certains chercheurs ont partagĂ© le travail de Pauline Fricot sur leurs rĂ©seaux sociaux, la presse ne s'est pas pour autant emparĂ©e du sujet.
→ Contrairement au milieu du journalisme oĂč la lutte contre les fake news fait partie des prioritĂ©s affichĂ©es, le sujet reste encore marginal dans le milieu de la recherche universitaire.

Dans l'ombre, des revues prétendument scientifiques en proie à la désinformation

Souvent, le monde de la recherche universitaire nous semble opaque comme si finalement, ce qui se jouait entre chercheur·ses ne nous concernait que de loin. Pourtant, Ă  lire l'enquĂȘte de la journaliste scientifique Pauline Fricot, parue en janvier 2024 sur le site d'Alternatives Économiques, il apparaĂźt urgent de s'intĂ©resser Ă  la façon dont les travaux de recherche sont diffusĂ©s.

IntitulĂ©e « EnquĂȘte sur les dĂ©rives du business trĂšs lucratif des revues scientifiques Â», le travail de Pauline Fricot dĂ©voile la façon dont certains Ă©diteurs de revue scientifique (Springer Nature, Wiley, Thomson Reuters...), profitant de la nĂ©cessitĂ© pour les chercheurs comme les universitĂ©s de publier dans des revues prestigieuses pour asseoir leur lĂ©gitimitĂ©, s'enrichissent sur leurs dos.

De fait : si les Ă©diteurs ne financent ni la recherche ni ne rĂ©tribuent les auteurs pour leurs publications, certains ne se privent pas pour autant de leur demander de payer des frais de publication (« article processing charges Â»), quand d'autres mettent en place des paywalls. Autant de façons de s'enrichir sur le dos de la recherche, dĂ©jĂ  dans un Ă©tat Ă©conomique critique.

EnquĂȘte sur les dĂ©rives du business trĂšs lucratif des revues scientifiques
Des Ă©diteurs de revues scientifiques profitent de leur rĂŽle central dans la diffusion du savoir pour s’enrichir, au dĂ©triment des universitĂ©s et laboratoires, Ă  bout de souffle.

Mais ce n'est pas tout. Dans ce contexte se dĂ©veloppent des revues dites « prĂ©datrices Â». Ces revues, en apparence sĂ©rieuses, n'en ont que l'apparence puisque dans les faits, elles ne respectent pas la dĂ©ontologie. À titre d'exemple, la relecture par les pairs, pourtant obligatoire avant publication, y est partielle voire inexistante. Quel danger y-a-t-il, pourrait-on alors se demander, Ă  ce que des revues prĂ©tendument scientifiques publient des articles qui manquent de vĂ©rification ? Que ces revues se fassent la courroie de transmission de fake news et de dĂ©sinformation, rĂ©pond Pauline Fricot.

ConsĂ©quences directes des « dĂ©rives du business des revues scientifiques Â», ces fake news, issues de revues Ă  l'apparence scientifique, se rĂ©pandent sans susciter de vagues. Au risque de mettre durablement Ă  mal la confiance des citoyen·nes envers la science et la recherche.

đŸ’„ En quĂȘte d'impact

Un an aprĂšs la publication de l'enquĂȘte de Pauline Fricot, des mesures ont-elles Ă©tĂ© prises pour lutter contre les revues « prĂ©datrices Â» ? Le monde de la recherche a-t-il pris position ? Les citoyen·nes ont-ils eu vent du risque de fake news dans le milieu de la recherche universitaire ?

Rembobine vous propose de dĂ©couvrir l'impact de l'enquĂȘte, d'aprĂšs une mĂ©thodologie inspirĂ©e du mĂ©dia d'investigation Disclose et de son rapport d'impact. Rendez-vous sur le site pour comprendre ce qui peut ĂȘtre inclus dans ce tableau.

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IMPACT INSTITUTIONNEL ❌

→ D'aprĂšs les informations de Pauline Fricot, les universitĂ©s françaises n'ont pas pris position officiellement vis-Ă -vis de son enquĂȘte. « Les informations que je dĂ©voile dans mon enquĂȘte sont connues dans le monde de la recherche, dĂ©taille la journaliste. Tout le monde sait par exemple qu'on peut payer pour voir son nom apparaĂźtre en signature d'un article, mais il est difficile pour les institutions de lutter contre car c'est un tout systĂšme qu'il faudrait restructurer. Â»

→ NĂ©anmoins, certaines universitĂ©s prennent des initiatives pour inverser la tendance. C'Ă©tait dĂ©jĂ  le cas du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) qui, avant mĂȘme la parution de l'enquĂȘte, a par exemple modifiĂ© les critĂšres d'Ă©valuation de ses scientifiques, qui reposent dĂ©sormais sur la qualitĂ© de leurs rĂ©sultats, et non plus sur leur nombre de publications ou le prestige des revues oĂč ils sont publiĂ©s. « Certain·es chercheur·ses travaillent Ă©galement Ă  dĂ©bunker les fausses publications et ainsi permettre Ă  des milliers de publication d'ĂȘtre rĂ©tractĂ©es, dĂ©taille Pauline Fricot, mais le chantier reste Ă©norme. Â»
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IMPACT MÉDIATIQUE ❌✔

→ L'enquĂȘte de Pauline Fricot a Ă©tĂ© partagĂ©e sur les rĂ©seaux sociaux par certains chercheurs, notamment sur LinkedIn par le chercheur TimothĂ©e Parrique, d'ailleurs citĂ© dans l'enquĂȘte, ainsi que par Simon Tremblay-Pepin, professeur Ă  l'École d'innovation sociale Élisabeth-BruyĂšre de l'UniversitĂ© Saint-Paul Ă  Ottawa.

→ Cependant, la journaliste n'a pas Ă©tĂ© sollicitĂ©e par la presse pour en discuter et Ă  sa connaissance, l'enquĂȘte n'a pas non plus Ă©tĂ© reprise par ses confrĂšres et consƓurs. « C'est un sujet qui peine Ă  se faire une place dans l'univers mĂ©diatique, regrette Pauline Fricot, trĂšs certainement parce qu'il semble trop loin des gens... Et puis, ma publication est arrivĂ©e aprĂšs la pĂ©riode Covid. À ce moment-lĂ , on avait pris conscience de l'importance de la science dans le quotidien des gens mais aprĂšs, c'est retombĂ©. Ça s'est essoufflĂ©. Â»
⚖
IMPACT JUDICIAIRE ❌

→ Selon Pauline Fricot, les revues « prĂ©datrices Â» n'ont pas Ă©tĂ© inquiĂ©tĂ©es suite Ă  la parution de l'enquĂȘte. « Ă‰tant donnĂ© que ce sont des revues internationales, il est difficile de rĂ©guler leur contenu, souligne la journaliste, et encore plus de les poursuivre. Â»
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IMPACT PUBLIC ❌

→ La journaliste n'a pas Ă©tĂ© contactĂ©e par des citoyen·nes ou des ONG suite Ă  la parution de son enquĂȘte. « Ce qu'il faudrait, c'est un vĂ©ritable engouement citoyen autour de ces questions, mais pour le moment, ce n'est pas encore le cas. Â»

Les coulisses de l'enquĂȘte đŸ•”ïžâ€â™€ïž

Pauline Fricot est journaliste pour Environnement Magazine. FormĂ©e en journalisme scientifique, elle a notamment collaborĂ© avec Science et Vie, GĂ©o ou Alternatives Économiques, pour qui elle a Ă©crit son « EnquĂȘte sur les dĂ©rives du business trĂšs lucratif des revues scientifiques Â» en janvier 2024.

Pour Rembobine, elle revient sur les risques de dĂ©sinformation et de fake news dans le milieu de la recherche universitaire, la difficultĂ© Ă  faire de la recherche un sujet d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, et les initiatives qui Ă©mergent pour tenter de rĂ©former la recherche.

« Des faux papiers scientifiques arrivent Ă  ĂȘtre publiĂ©s dans des revues Ă  l’apparence rigoureuse »
Pauline Fricot est journaliste pour Environnement Magazine. FormĂ©e en journalisme scientifique, elle a notamment collaborĂ© avec Science et Vie, GĂ©o ou Alternatives Économiques, pour qui elle a Ă©crit son « EnquĂȘte sur les dĂ©rives du business trĂšs lucratif des revues scientifiques Â» en janvier 2024.

Des ressources pour mieux suivre le sujet ? 🧰

La question des dĂ©rives au sein du monde de la recherche vous a intriguĂ©e ? On ne peut que vous conseiller, Pauline Fricot la premiĂšre, d'aller vous plonger dans Les Marchands de doute, de Naomi Oreskes et Erik M. Conway. Cette enquĂȘte, issue de cinq ans de travail, montre comment depuis la fin des annĂ©es 80, des scientifiques amĂ©ricains, aux bottes de lobbies industriels (tabac, Ă©nergie, pĂ©trole), ont mis Ă  mal un certain nombre de vĂ©ritĂ©s scientifiques, niant en bloc les preuves de la dangerositĂ© du tabac comme de la rĂ©alitĂ© du trou de la couche d'ozone. Des prĂ©tendus scientifiques « marchands de doute Â» auxquels on doit une bonne part du climato-scepticisme contemporain.

Pour celles et ceux que la question intĂ©resse, on vous invite Ă©galement Ă  regarder du cĂŽtĂ© des Gardiens de la raison, enquĂȘte sur la dĂ©sinformation scientifique, de StĂ©phane Foucart, StĂ©phane Horel et Sylvain Laurens. Un ouvrage qui dĂ©voile notamment comment les professeurs et amateurs de sciences sont manipulĂ©s pour se faire les porte-paroles d'une idĂ©ologie anti-environnementaliste.

Et puisque in fine, il s'agit de lutter contre les fake news dans le milieu de la recherche comme dans le milieu journalistique, on vous invite à regarder du cÎté de nos confrÚres qui font au quotidien un important travail de fact checking, à l'image de Checknews (Liberation) ou de Vrai ou Faux (France Info).

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Comment multiplier l'impact de l'enquĂȘte ?

Lecteur·rices, citoyen·nes...Vous avez le pouvoir de renforcer l'impact du travail des journalistes !

1. Diffusez l'article et l'enquĂȘte d'impact via vos rĂ©seaux sociaux, auprĂšs de vos ami·es et famille pour les sensibiliser aux enjeux de la dĂ©sinformation dans la recherche.

2. Écrivez Ă  vos ancien·nes professeur·es d'universitĂ© pour leur partager l'enquĂȘte de Pauline Fricot et les sensibiliser au sujet.

3. Interpellez vos élu·es pour leur demander de se positionner sur la lutte contre la désinformation.

Merci d’avoir pris le temps de lire notre newsletter et de suivre nos enquĂȘtes d'impact. N’hĂ©sitez pas Ă  parler de Rembobine autour de vous et Ă  partager nos articles. Ensemble, continuons Ă  faire bouger les lignes ! À trĂšs vite sur Bluesky, Instagram et LinkedIn, et Ă  dans deux semaines dans vos boĂźtes mail !

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Cécile Massin

Rédactrice et cofondatrice de Rembobine - Journaliste indépendante