Le tabou des prêtres gays dans l'Eglise
Cette enquête des Jours publiée en novembre 2025 donne accès à la vie clandestine de prêtres homosexuels qui, faute d’espace dans l'Église, se retrouvent en secret pour parler de leur orientation, de leur peur et de leurs contradictions.
Voici une enquête qui nous a profondément marqués : celle du média Les Jours sur les prêtres homosexuels. Pas seulement pour ce qu'elle raconte, mais pour comment elle le raconte. Avec une sensibilité qui laisse de la place à ceux qu'on n'entend jamais : des prêtres qui vivent leur orientation sexuelle dans le secret, mais qui, malgré tout, veulent dire qu'ils existent. Qu'ils voudraient que l’Église avance. Qu'ils aimeraient, simplement, pouvoir vivre en vérité.
Cette enquête éclaire un phénomène de société essentiel et terriblement figé. Depuis des décennies, l’institution religieuse reste immobile, imperméable aux réalités vécues par ses propres prêtres. Les lignes ne bougent pas. Et pourtant, la vie quotidienne de ceux qui témoignent, elle, est bien réelle, complexe, douloureuse souvent, courageuse toujours. Et parfois, une enquête offre simplement un espace où cette vérité peut enfin tenir debout.
⏳ Comprendre l'enquête en 30 secondes
→ L'enquête des Jours donne accès à la vie clandestine de prêtres homosexuels qui, faute d’espace dans l'Église, se retrouvent en secret pour parler de leur orientation, de leur peur et de leurs contradictions.
💥 Et son impact en encore moins de temps !
→ L'enquête et son documentaire ont largement circulé, suscitant débats médiatiques, prises de contact avec le groupe Pêcheurs d’hommes et projections publiques qui ont libéré la parole.
→ En revanche, malgré ces répercussions, l'Église n’a officiellement rien répondu.
L'homosexualité que l'Église ne veut pas voir
Il y a un an paraissait l'enquête des journalistes Adrien Giraud, Nathan Lautier et Guillaume Bouvy pour le média Les Jours. On vous explique :
Le premier épisode de la série est en accès libre sur le site des Jours !
- Dans cette série en trois épisodes, Les Jours racontent une réalité connue de tous à l'intérieur de l'institution mais presque jamais dite publiquement : la présence de prêtres homosexuels dans l'Église catholique, et les contradictions violentes que cela produit, entre doctrine officielle, vocation spirituelle et vie intime.
- Les journalistes ont obtenu la confiance d'un groupe de parole, Pêcheurs d'hommes, qui réunit des prêtres homosexuels. Leur travail documente pour la première fois, de l'intérieur, un lieu où ces hommes peuvent parler librement de leur orientation et de leur métier, un espace que l’institution nie ou voudrait ignorer.
- L'enquête met au jour un grand climat d'inquiétude : peur d'être dénoncé, peur de perdre sa place, son identité sociale, son logement. Elle donne à voir des parcours faits d'amour, de rupture, de foi, de vocation et de souffrance. Les journalistes montrent comment cette peur structure la vie de nombreux prêtres gays, et comment l'Église utilise le silence comme outil disciplinaire. Et surtout l'immobilisme d'une institution qui refuse de bouger malgré les crises successives, abus sexuels, témoignages, appels à réformer. On perçoit un mal structurel : la sexualité, sous toutes ses formes, reste un angle mort majeur de l’Église catholique.
- Adrien Giraud et Nathan Lautier ont adapté leur enquête en documentaire. Ce passage du papier à l'écran a permis de donner encore plus de visibilité à ces voix rarement entendues et d'ouvrir le sujet à un public beaucoup plus large.
Le documentaire est en accès libre sur la plateforme ARTE Regards.
💥 En quête d'impact
Un an après la publication de l'enquête, la parole des prêtres gays a-t-elle trouvé plus d'écho dans l’espace public ? L'Église a-t-elle bougé, même timidement, sur un sujet qu'elle tient sous silence depuis des décennies ?
Rembobine vous propose de découvrir l'impact de l'enquête. Rendez-vous dans le guide du journalisme d'impact pour comprendre ce qui peut être inclus dans ce tableau.
→ Comme mentionné plus haut, Adrien Giraud et Nathan Lautier ont prolongé leur travail en réalisant un documentaire diffusé sur Arte, offrant une visibilité bien plus large aux témoignages de prêtres homosexuels. Il a été qualifié de "touchant et édifiant" par Télérama, qui lui a donné la note de TTT.
→ Le documentaire a suscité des articles dans Têtu et Témoignage Chrétien. Un média intégriste s'en est aussi insurgé. Nathan Lautier a été invité par BFM Lyon pour parler du sujet. Pour lui, « on le constate dans les réactions, il y a très peu d’entre-deux. Si on a ouvert un débat, tant mieux. »
→ Adrien Giraud et Nathan Lautier ont raconté les coulisses de leur enquête sur Twitch avec Le Fils 2 Pub, permettant d'échanger en direct avec un public plus jeune et d'expliquer les enjeux de leur travail.
→ À la suite du documentaire et des articles, au moins une dizaine de personnes ont contacté le groupe Pêcheurs d'hommes pour chercher de l'aide ou échanger.
→ Une projection a été organisée dans un théâtre, en présence de certains protagonistes. « Ils avaient très peur du regard du public, et d'être assimilés aux scandales qui ont ébranlé l'Église », raconte Adrien Giraud. Finalement, l'accueil a été très bienveillant : les prêtres présents se sont révélés « rayonnants et fiers » après le film.
→ L'association Stop Homophobie a contacté les journalistes pour organiser des ateliers, des rencontres et des soirées de projection autour du documentaire.
→ L'institution n’a publié aucun commentaire, aucune prise de position, aucun geste public après la sortie du documentaire ou de l’enquête. « Ce n'est pas une surprise : la politique de l'Église sur ce sujet, c'est “On n’en parle pas et tout va bien” », explique Nathan Lautier.
→ L'archevêque Wintzer, de Sens - Auxerre, parmi les progressistes de l'église française a été interrogé lors du documentaire. « Il reconnaît la souffrance des prêtres homosexuels et leur existence, mais rappelle que leur orientation doit être vécue selon les règles de l’institution, "de manière chaste et privée" », précise Adrien Giraud.
→ Selon les journalistes, aucun signalement, aucune procédure et aucune suite pénale ou canonique n'ont été déclenchés à la suite de la publication ou du documentaire.
→ Dans le documentaire, les prêtres filmés ont été floutés et anonymisés. L'un d'eux, partant à la retraite, avait informé son diocèse de sa participation, évitant ainsi tout risque de sanction interne.
→ Les journalistes expliquent avoir longuement travaillé avec des prêtres « brûlants de parler » pour leur faire comprendre les enjeux et les risques associés à une parole rendue publique.
🕵️♀️ Les coulisses de l'enquête
Adrien Giraud et Nathan Lautier sont journalistes indépendants. Ils ont enquêté sur la place de l’homosexualité dans l'Église catholique. Pour Rembobine, ils reviennent sur la genèse de ce travail, la confiance construite avec les prêtres, l’absence de réaction de l’institution et l’impact concret, parfois discret mais bien réel, que leurs récits ont eu.
Timothée Vinchon
🧰 Pour mieux suivre le sujet
Si vous souhaitez comprendre encore davantage ces enjeux ou explorer d'autres récits autour de l'homosexualité dans l'Église et des tabous qui l'accompagnent, voici une petite sélection de ressources.
📖 Sodoma, un livre de Frédéric Martel chez Robert Laffont
Nathan recommande ce livre-enquête incontournable, qui plonge dans les coulisses du Vatican et met au jour l’hypocrisie structurelle autour de l’homosexualité au sein de la hiérarchie catholique.
🎧 Catholiques de France, la tentation radicale de Isabelle de Gaulmyn sur France Culture
Adrien vous conseille cette série documentaire passionnante, qui explore la crise interne du catholicisme français. Isabelle de Gaulmyn y analyse les mécanismes qui poussent une partie de l’Église vers des positions plus radicales.
📖🎬Le livre Dieu est amour chez Flammarion et le documentaire Homothérapies, conversion forcée de Timothée de Rauglaudre et Jean-Loup Adénor
Dernière recommandation de Nathan, Timothée de Rauglaudre et Jean-Loup Adénor y révèlent les mécanismes des "thérapies de conversion" leurs mécanismes, leurs dérives et leurs conséquences psychologiques, en donnant toute sa place à la parole des victimes.
Lecteur·rices, citoyen·nes...Vous avez le pouvoir de renforcer l'impact du travail des journalistes !
1. Partager le documentaire et l'article et son décryptage par Rembobine autour de vous. Un sujet n'existe publiquement que s'il circule.
2. Contactez les journalistes pour organiser une projection près de chez vous. Dans une MJC, une médiathèque, un café associatif, un lycée, une paroisse ouverte, un festival. Les journalistes ont constaté combien ces projections libèrent la parole.
3. Encourager les institutions à prendre position. Un mail, une lettre, une interpellation à une paroisse, un diocèse, une structure catholique : ces signaux répétés constituent une pression collective qui compte.
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