Des demandeuses d'asile enceintes à la rue, l’État hors-la-loi
Dans la région lyonnaise, l’État français laisse des femmes en demande d'asile, parfois enceintes ou avec des bébés, dormir à la rue. Une pratique qui contrevient à ses obligations légales d'héberger les demandeurs d'asile les plus vulnérables.
En décembre 2024 paraissait l'enquête « À Lyon, l’État refuse d'héberger des femmes exilées enceintes ou avec des bébés, en toute illégalité » de Feriel Alouti et Léa Prati pour Disclose.
⏳ Comprendre l'enquête en 30 secondes
→ Dans la région lyonnaise, l’État français laisse des femmes en demande d'asile, parfois enceintes ou avec des bébés, dormir à la rue.
→ Une pratique qui contrevient à ses obligations légales d'héberger les demandeurs d'asile les plus vulnérables.
💥 Et son impact en encore moins de temps !
→ Depuis la parution de l'enquête, l’État continue d'être condamné régulièrement pour non-respect de ses obligations.
→ Certains politiques et militants s'inquiètent régulièrement de la situation, mais des changements structurels se font toujours attendre.
Des refus d'hébergement en toute illégalité
- En France, la loi impose à l’État de proposer des aides à toute personne qui demande l'asile sur le territoire, et ce durant l’entièreté de sa procédure. Ces aides, appelées « conditions matérielles d'accueil », consistent en le versement d'une allocation, mais aussi l'obtention d'un hébergement en fonction du degré de vulnérabilité des personnes concernées – les personnes prioritaires étant, entre autres, les femmes enceintes. Mais comme souvent, entre la théorie et la pratique, il y a un monde.
- À Lyon, plus d'une centaine de femmes en demande d'asile et signalées comme enceintes étaient laissées à la rue, révèle l'enquête de Disclose, qui a obtenu des données internes au bureau lyonnais de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui répertorient tous les demandeurs d'asile toujours en attente d'un logement entre janvier 2023 et juillet 2024 dans les départements de l'Ain, l'Ardèche, la Loire et le Rhône.
- La situation de ces femmes laissées à la rue avait pourtant fait l'objet de signalements de la part d'assistant·es sociales, de membres d'associations d'aides aux migrant·es ou de riverain·es, souligne l'enquête du média d'investigation indépendant, alors que la vie à la rue impacte très lourdement la santé mentale et physique de ces femmes.
Depuis trois ans, Rembobine s’engage pour mesurer et montrer l’impact du journalisme sur la société. Pourquoi ? Parce que nous sommes convaincu·es que c’est le meilleur moyen de réconcilier les citoyen·nes avec le journalisme et de démontrer l’importance d’avoir, en France, un écosystème de médias indépendants soutenus par leurs lecteur·rices.
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💥 En quête d'impact
Un an après la publication de l'enquête, ces femmes enceintes ont-elles obtenu un hébergement ? Le bureau lyonnais de l'OFII a-t-il donné des explications ? Les associations d'aides aux migrant·es se sont-elles saisies de l'enquête ?
Rembobine vous propose de découvrir l'impact de l'enquête. Rendez-vous dans le guide du journalisme d'impact pour comprendre ce qui peut être inclus dans ce tableau.
→ Au moment de l'enquête, ni l'OFII ni la préfecture du Rhône n'ont répondu aux sollicitations de Feriel Alouti. Néanmoins, deux jours après que la journaliste les ait contactés, celle-ci a reçu un message d'une demandeuse d'asile lui faisant savoir qu'elle venait de se voir proposer un hébergement après deux ans d'attente. « Ils ont osé lui demander si elle avait échangé avec des journalistes », interpelle Feriel Alouti. Et de renchérir : « Bien sûr, j'étais très contente d'apprendre cette nouvelle mais en même temps, je me suis demandée “quid de ceux dont les journalistes ne parleront jamais et que par conséquent, l'OFII ne contactera pas ?”. Ça montre bien le cynisme des institutions ».
→ Après la publication de l'enquête, la députée de la 1ère circonscription du Rhône, Anaïs Belouassa-Cherifi, à qui l'enquête avait été envoyée, s'est rapprochée de l'équipe de Disclose pour savoir comment elle pouvait agir. Elle disait vouloir « mettre en lumière la situation absolument intolérable » décrite dans l'article, souligne Feriel Alouti, qui n'a pas eu de retour depuis.
→ Feriel Alouti n'a fait l'objet d'aucune poursuite suite à la parution son enquête.
→ À ce jour, aucun nouveau décompte des femmes enceintes laissées à la rue n'a été effectuée. Néanmoins, l'avocat spécialisé en droit des étrangers Samy Djemaoun, très actif sur LinkedIn, fait régulièrement condamné l'OFII pour non respect de ses obligations.
→ L'enquête a été copubliée sur Médiacités, média partenaire de Disclose.
→ Elle a fait l'objet de mentions, notamment chez France 3 Auvergne-Rhône-Alpes et L'Humanité, mais Feriel Alouti n'a pas été invitée à en parler.
→ La journaliste a eu le retour d'une source, qui s'est dite « satisfaite qu'un tel sujet puisse être publié, dit-elle, mais c'est quelqu'un qui connaît déjà le sujet... Ce n'est pas comme ça que ça va bouger », regrette-t-elle.
→ Feriel Alouti n'a pas reçu de retours particuliers, ni d'associations d'aide aux migrant·es ni, à l'inverse, de détracteur·trices.
🕵️♀️ Les coulisses de l'enquête
Feriel Alouti est journaliste indépendante. Installée à Marseille, elle se consacre depuis près de quinze ans aux reportages longs et aux enquêtes, principalement pour les médias indépendants Blast ! et Mediapart. Elle s'intéresse tout particulièrement aux questions liées à la justice, au monde carcéral, au narcotrafic et aux migrations.
Pour Rembobine, elle revient sur le rôle des lanceurs d'alerte, l'importance de collaborer avec une data journaliste, et les difficultés à voir advenir des changements systémiques.

🧰 Pour mieux suivre le sujet
La situation des demandeur·euses d'asile en France vous préoccupe ? On vous a sélectionné quelques-uns de nos films et podcasts préférés pour tenter d'y voir plus clair sans perdre espoir.
🎬L'Histoire de Souleymane, un film de Boris Lojkine
Primé à Cannes et aux César à de multiples reprises, L'Histoire de Souleymane suit les pas de Souleymane, un jeune demandeur d'asile qui tente de s'en sortir dans les rues de Paris. Un film d'une grande justesse, loin du sensationnalisme ou du misérabilisme, qui nous a beaucoup ému·es.
📖 L'Odyssée d'Hakim, une série de bandes dessinées de Fabien Toulmé
En trois volets, cette série de bandes dessinées nous plonge dans l'histoire d'Hakim, un réfugié syrien qui a fui son pays en guerre et traversé de nombreuses régions avant d'arriver en France. Une BD très accessible, qu'on conseille vivement même à celles et ceux qui n'aiment pas particulièrement lire !
📻 Migrantes et combattantes, une émission tirée du podcast « Un podcast à soi » d'Arte Radio
Et parce qu'on est des inconditionnel·les d'Arte Radio, on vous invite à vous plonger dans cet épisode d'Un podcast à soi qui donne la parole à des femmes exilées, avec toute la justesse et la pudeur dont Charlotte Bienaimé sait faire preuve.
Lecteur·rices, citoyen·nes...Vous avez le pouvoir de renforcer l'impact du travail des journalistes !
1. Partagez l'enquête de Disclose et le décryptage de son impact par Rembobine. C'est en faisant exister ces sujets qu'on commence à faire bouger les lignes !
2. Engagez-vous auprès d'associations qui luttent pour les droits des personnes migrantes, comme Utopia 56 ou La Cimade. Si vous le pouvez, vous avez également la possibilité d'accueillir des exilé·es directement chez vous dans le cadre de dispositifs citoyens comme avec Réfugiés bienvenue.
3. Contactez vos député·es pour qu'iels ne mettent pas le sujet sous le tapis.
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