Amplifier la résonance d’un sujet grâce au design
Certains sujets ne parlent que lorsqu’on leur donne une forme. Le design devient ainsi un levier pour rendre l’information compréhensible, toucher les publics concernés et les inviter à s’engager.
Partons d’une intuition. Lorsqu’un article web « met le paquet » avec des cartes interactives, des graphiques, des images et vidéos qui apparaissent lors du défilement ou des illustrations travaillées, on se dit que le sujet doit être très important et qu’il faut s’en saisir. Un effet wahou confirmé par les partages souvent massifs de ces contenus. Faut-il alors nécessairement investir autant dans le design pour les sujets à fort impact ?
En février 2023, Le Monde co-publie avec le Forever Pollution Project une enquête sur la contamination de l’Europe par les PFAS, des substances toxiques rejetées dans les eaux et largement répandues dans les objets du quotidien. Le sujet est accompagné d’une carte interactive montrant les sites de contamination, et le dossier obéit à une identité visuelle travaillée. « C’est un sujet dont il est difficile de se saisir : on parle de polluants invisibles, souligne Thomas Steffen, directeur des équipes de design numérique au Monde. Il fallait donc créer un impact visuel, que les lecteur·ices comprennent immédiatement l’ampleur du phénomène. L’enquête sortie, on en a entendu parler partout. Si on n’avait pas mis le paquet sur cette carte, le sujet n’aurait pas eu la même résonance. »

Le fond prime sur tout
Ici, le design intervient comme un traducteur pour rendre intelligible un sujet complexe. Mais derrière, le fond prime. « La force du sujet, c’est l’élément clé. La résonance et l’audience proviennent d’abord de la gravité ou de l’importance du sujet », estime Thomas Steffen. Un avis que partage Gaëtan Duchateau, fondateur de l’agence Datagif. « Beaucoup d’articles ont de l’impact avec un design minimal. Le design est un facilitateur : son rôle, c’est de casser les barrières d’accès à l'information et de donner envie de se lancer dans un sujet difficile. »
Pour autant, mesurer si le design a joué un rôle dans la résonance d’un article est délicat. Les principaux indicateurs restent le temps passé sur l’article et le volume d’audience. « Si un article surperforme alors qu’il traite d’un sujet équivalent à un autre, il est probable que des vecteurs, dont le design, jouent un rôle », résume Gaëtan Duchateau.
Proposer des leviers d’engagement
L’impact se construit ensuite par des choix très concrets. Première règle : annoncer clairement au lecteur pourquoi il lit ce sujet et ce qu’il va en retirer. Des modules tels que des comparateurs, des cartes de proximité ou des options de personnalisation peuvent permettre l’appropriation d’un sujet. « Dès qu’on permet au public de se situer en indiquant des variables en fonction de sa ville ou de son âge, l’appropriation change. C'est déjà une réussite dans la recherche d'impact puisque l’on met l'audience au centre du sujet », souligne Gaëtan Duchateau.
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À l’inverse, les formats interactifs sont souvent source d’échec. Demander à son·sa lecteur·ice de participer ou de jouer à des mini-jeux n’est pas adapté aux sujets lourds, selon Thomas Steffen. « Sur mobile, tu es en concurrence permanente avec dix applis. Si tu demandes au·à la lecteur·ice de jouer ou de suivre une notice, tu le·la perds. Les meilleures interactions, ce sont celles qui se fondent dans le scroll. »
D’autres médias choisissent d’aller plus loin en proposant au public de s’engager en fin d’article : cela peut passer par des appels à action simples (partager l’article, l’envoyer par e-mail) ou des modules d’engagement plus poussés. « Il est possible de mettre en place un module pour interpeller un politique. Tu remplis ton nom, ta ville, et ça envoie un courrier pré-écrit », note Gaëtan Duchateau.
Penser la longévité
L’impact ne se joue pas seulement au moment de sa publication. Pour qu’il dure, le mieux, c’est de penser un sujet en écosystème. Au Monde, les enquêtes sont souvent déclinées sous différents formats. « Tous les publics n’ont pas les mêmes habitudes. Les plus âgé·es ne vont pas sur YouTube, donc on décline parfois des vidéos en article, et inversement », explique Thomas Steffen. Mais ne risque-t-on pas la redite ? « Pas du tout, répond Gaëtan Duchateau. Certaines personnes vont s’abonner à une newsletter et ne pas écouter de podcast. Quand ton sujet se prête aussi bien à l’un qu’à l’autre, si tu veux de l’impact, décline-le. »

La longévité passe aussi par l’actualisation. Il s’agit alors de ne garder qu’une seule URL pour un même sujet, de le mettre à jour en gardant un suivi des données et de relier les articles d’un même dossier. De quoi permettre au papier de rester pertinent dans le temps et de valoriser le travail mené.
Reste une condition pour maximiser l’impact : la collaboration. « Les meilleurs résultats, on les obtient quand on travaille main dans la main avec les journalistes », insiste Thomas Steffen. Cette cohésion entre le fond et la forme aboutit à la meilleure circulation des récits et à leur appropriation. Tout l’enjeu reste d’intégrer la réflexion visuelle le plus tôt possible dans le processus.
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